Le barbier d'Alexandrie
huile sur toile, 30 x 40 pouces, 2025.
Que se passe-t-il lorsque l'on se peint un souvenir que l'on n'a jamais vécu, mais que l'on a porté toute sa vie ?
Une enfant regarde par la porte d'un salon de coiffure animé des années 1950 à Alexandrie, en Égypte, mais elle n'y a jamais vraiment été.
Au cœur de ce tableau se trouve une photographie en noir et blanc de mon grand-père travaillant dans son salon de coiffure à Alexandrie dans les années 1950, une ville qui a servi de refuge temporaire à de nombreux Arméniens déplacés. J'ai agrandi la photo et élargi ses frontières, en m'y ajoutant en tant que jeune fille regardant à l'intérieur. Cet acte jette un pont entre le passé et le présent. L'introduction de la couleur confère à la scène un sentiment de révérence nostalgique, réimaginant un moment que je n'ai jamais vécu mais auquel je suis profondément attachée.
Cette peinture explore le traumatisme intergénérationnel, la nostalgie et l'identité culturelle au sein de la diaspora arménienne. En tant que fille d'immigrants et petite-fille de survivants du génocide arménien, j'ai longtemps navigué dans la tension entre mon lieu de naissance, le Québec, et une patrie ancestrale qui n'existe plus comme avant. Mon travail transforme des histoires familiales fragmentées en archives vivantes et durables.
La peinture évoque la fragilité de la mémoire et le poids des histoires perdues. Les histoires orales - souvent le seul lien avec le passé - se déplacent avec le temps, ce qui me fait douter de ce que je sais vraiment. Pourtant, à chaque coup de pinceau, j'affirme la résilience de ceux qui ont survécu au déplacement. Ce travail est à la fois un acte de préservation et une tentative de guérison des blessures héritées, transformant le chagrin en quelque chose de durable et de profondément humain.
À travers cette peinture, j'invite les spectateurs à réfléchir à leurs propres liens avec le patrimoine, la perte et l'appartenance, et à jeter un pont entre ce qui a été perdu et ce qui reste.
Tenue en Mai 2025, The Weight of Fragments était une exposition collective qui soulignait les artistes d'origine SWANA (Asie du Sud-Ouest et Afrique du Nord). Ces voix sont souvent sous-représentées, marginalisées ou fétichisées et cette exposition ainsi que Topographies of Longing visent à amplifier les voix des artistes de cette origine.
L'œuvre de Marie Khediguian, le barbier d'Alexandrie, a été exposée aux côtés de cinq autres artistes.